Je viens d’apprendre qu’une de mes collègues est sur son lit de mort, à
quelques jours de la fin, peut-être moins. C’est un cancer devenu
presque généralisé qui aura eu raison d’elle…
Je suis déjà en train d’en parler au passé. C’est dur. Les mots manquent.
Dans
les couloirs on évite le regard de l’autre. Tout le monde est atterré,
puis on se parle, mais on ne sait pas quoi dire. Ça fait mal c’est
évident, ça choque, elle est si jeune, à peine la trentaine.
Ça
fait bizarre après la tuerie au Connecticut, ils étaient tous jeunes et
on aura rien vu venir, mais la mort est une chose de proximité et
malheureusement le Connecticut est beaucoup plus loin que le bureau vide
de ma collègue…
Mais puisqu’il faut continuer, on se replonge
dans le travail. L’entrain habituel n’y est pas, mais échanger sur le
boulot avec les collègues permet d’oublier un peu. On s’engourdis avec
le travail, on replonge, on se met la tête ailleurs. La routine est
salvatrice.
Bush, au lendemain des attentats du onze septembre
avait semblé, pour beaucoup, vouloir relancer l’économie en invitant les
gens à aller magasiner. Peut-être en fait avait-il à sa manière donné
le meilleur conseil possible, n’oublier pas les gens, mais reprenez
votre vie, votre train-train quotidien, c’est la meilleure façon de
continuer sans trop souffrir.
Au bureau l’atmosphère va être
lourde toute la semaine. Nous marcherons tous vers l’annonce fatidique
d’un pas lent, voyant l’inévitable approcher… Que faire d’ici-là? Pas de
bonne réponse.
…
Vous vous souvenez de ce billet sur la très maladroite comparaison du gouvernement entre le cancer et la dépression
? Hé bien elle est là la différence. Ma collègue atteinte du cancer
risque fort de mourir dans quelques jours alors que mes deux collègues
qui ont fait une dépression sont de retour au boulot en pleine forme.
…
La
vie est injuste vous dites-vous? Certains de mes collègues sont fâchés,
d’autre triste. « Chienne de vie ». Malheureusement, la vie ne répond
pas à ces catégories purement humaines – il n’y a pas de notion de
justice et d’injustice ici. C’est une loterie sans plus. Certain perdent
d’autres gagnent. Ce qui est malheureux, c’est qu’une certaine part de
ceux qui gagnent soit trop cons pour s’en rendre compte.
.jpm
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